dimanche 25 janvier 2015

Wild



Hier soir, direction le ciné pour voir le dernier film de Jean-Marc Dallas Buyers Club Vallée : Wild. Annoncé sur une seule séance et seulement en VO, je me suis dit qu'il fallait faire vite, parce que le film n'allait pas rester longtemps à l'affiche.

Et là, bonne surprise, en arrivant (10 minutes après le début de la séance pour éviter les sempiternelles mêmes pubs que je ne peux plus voir en peinture), je m'aperçois que la salle est loin d'être déserte. Longue vie aux projections de cinéma indé à l'UGC !

Wild, c'est l'histoire d'une femme paumée qui décide de reprendre sa vie en main en partant faire le Pacific Crest Trail (chemin de grande randonnée qui relie la frontière mexicaine à la frontière canadienne.) Elle sort d'un divorce difficile, vit un deuil très douloureux et a quelques soucis d'addiction. Et c'est en marchant qu'elle va affronter ses démons intérieurs. Là, rien de bien original.

J'ai lu sur quelques critiques que Wild n'était que le pendant féminin et moins intéressant d'Into The Wild. Je ne suis pas d'accord. Le propos n'est pas le même : quand Sean Penn fait le portrait d'un individu en quête d'absolu et en rébellion contre la société, Vallée nous propose le parcours initiatique d'une femme en quête d'elle-même. Ici, il n'est nullement question de propos contestataires ou de militantisme. C'est simplement une femme contrainte de faire face à son chagrin après avoir épuisé toutes les stratégies d'évitement qu'elle a pu mettre en place (drogue, sexe, rock'n'roll). 

Le film commence donc en pleine nature. Attention : oubliez toute idée de grandes étendues vertes et le fantasme d'une nature originelle et bienveillante. Nous sommes dans le désert californien : le chemin et fait de cailloux, les teintes sont jaunes et ocres, et la végétation est austère. Plus tard, il y aura la neige, le froid et la perte des repères. Le grandiose se mérite. Et à l'image du parcours de l'héroïne, le chemin sera difficile, et il faudra se confronter à une réalité parfois visqueuse et peu engageante. (Ainsi, on verra Cheryl effrayée par une chenille velue qui s'est glissée dans son sac de couchage, ou se réveiller recouverte de grenouilles (Yeuk!!!)). 

Le ton est d'ailleurs posé dès le début, avec une scène qui m'a littéralement obligée à me planquer sous mon manteau (oui, oui, moi, une adulte de 34 ans). C'est un film fait de sueur, de larmes et de sang. Pourtant, tout n'est pas noir. Cheryl fait quelques rencontres, se confronte aux chagrins de tous et fait le constat qu'elle n'est pas si seule. Elle s'ouvre peu à peu au malheur d'autrui, s'autorise à prendre un peu du poids de chacun et à alléger sa propre peine par la même occasion (à l'image de son paquetage dix fois trop lourd pour elle, ou de ses chaussures trop petites.) Comme elle le dit elle-même, elle était persuadée que la souffrance était obligatoire, jusqu'à ce qu'on lui dise que ses chaussures n'étaient pas adaptées. 

J'ai également apprécié le regard posé sur la femme : le mec sympa qui débite son sexisme ordinaire, les jeunes chiens fous qui voient en Cheryl une femme qui profite de ses avantages (on lui apporte son café, on lui accorde certaines faveurs parce qu'elle est jolie), le prédateur glaçant (un chasseur en l'occurrence) qui parle d'elle comme si c'était un morceau de viande... Vallée pose sur les femmes un regard réaliste qui montre à quel point la condition de la femme est encore difficile dans les sociétés occidentales. Et pourtant les femmes de Wild prennent leur vie en mains, refusent de dépendre de qui que ce soit.

En définitif, Wild est en fait un film sur le fait de s'autoriser. Il faut faire pour soi ce que personne d'autre ne fera : vivre et accueillir le bonheur. Plus que le film de Sean Penn, c'est On the Road de Kerouac que je reconnais dans ce road trip.

Autre bonne surprise du film, c'est la présence d'acteurs vraiment lumineux. Reese Witherspoon est évidemment géniale. Mais je pense aussi à Laura Dern, qui fait preuve d'un charisme irrésistible en mère bienveillante et en femme malheureuse mais pas pour autant victime.

L'impact émotionnel de Wild est à retardement. Bien sûr, quelques scènes n'échappent pas à un pathos un petit peu trop appuyé (ah...la petite fille en pyjama qui soigne l'oeil au beurre noir de sa mère). Mais ce qui touche, c'est le message universel : l'impression du temps qui passe trop vite, la peur de ne rien accomplir dans sa vie, la peur de passer à côté. 

A voir.


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